Normalement, quand le monde va bien, le mois de mars est particulièrement festif à Valencia. En effet, dans la ville et dans toute la région, c’est l’époque des traditionnelles Fallas du 1er au 19 mars. Les pétards claquent sur toutes les places, les rues bouillonnent. Et ce bien avant les temps forts du mois vers le 15 mars. Il est donc bien triste de devoir se passer de cette effervescence. Pourtant, cette absence participe à rendre ce souvenir du 8 mars 2018 encore plus vivace. Car, si les fallas sont un événement multi-centenaire, ce 8 mars a mis en lumière sa coïncidence avec une autre manifestation tout juste centenaire.
Pendant les Fallas de Valencia, il est plutôt facile de trouver une place avec ses festivités. Une place avec ses musiciens traditionnels ou non. Une place avec des habitants costumés et bien sûr son fameux ninot. Plaça de Reina, Plaça Virgen, Plaça de Tetuan… Toutefois, il en est une qui incarne et concentre l’esprit des Fallas : la plaça de l’Ajuntament de Valencia. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que c’est là que se tiennent tout au long des dix-neuf jours de festivités les mascletàs. Ce terme désigne une série d’explosions de pétards réalisée chaque après-midi et attire donc particulièrement les visiteurs.
Pourtant, quelque chose rivalisait avec cette atmosphère déjà chaleureuse. En effet, les déflagrations de la mascletà n’étaient pas seules à percuter les tympans. Malgré l’effervescence populaire sur la place, les effluves d’un bouillonnement plus fort encore se faisait sentir non loin de là. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Qu’est-ce qui pouvait tant détourner l’attention d’un temps aussi fort de LA coutume ancestrale de Valencia ? C’était là, tout près. Tellement près que, un ou deux pâtés de maison plus loin, vers cette force attirante comme un aimant, déferlait ce défilé célébrant la journée internationale des droits des femmes.
Sachez que les Fallas de Valencia durent dix-neuf jours dont quatre à cinq comme points d’orgue. Mais il semblait évident que ce défilé là serait unique tellement sa ferveur irradiait de bout en bout la Carrer de Martinez Cubells. La déception aurait pu pointer le bout de son nez. Mais non. D’ailleurs, le souvenir est toujours intact. Chaque image, chaque cri, chaque temps fort remonte à la surface. Peut-être parce que, bien que fortement démarqué de l’ambiance globale des Fallas, ce défilé en proposait aussi une certaine forme de continuité.
Car cette ferveur populaire, cette dimension militante, cette force intangible qui se répand dans la rue est tout à fait en corrélation avec les festivités valenciennes. Quoique l’esprit des Fallas est plutôt de regarder le passé sous la forme d’une parade. Au contraire, ce cortège de femmes (pas que) formait une véritable manifestation avec l’espoir d’un avenir meilleur. Costumes d’époque laissent place à des tenues contemporaines tandis que les rangs épars se muent en rangs serrés.
Cependant, au-delà de la forme, l’ambiance persiste bien. En effet, de la Plaça de l’Ajuntament à la Carrer de Martinez Cubells, la musique parcourt toujours les rues, qu’il s’agisse de guitares, de tambours ou d’une sono. Les générations se croisent et se rencontrent avec le sourire. Mieux, elles échangent et se comprennent. Car, de même que la coutume ancestrale de Valencia, cette journée internationale des droits des femmes est une fête. Non, pas question de parler de combat. Pas sur la forme en tout cas. Cette dernière est trop fédératrice pour cela.
Était-ce une parenthèse au coeur de l’expérience que constituent les Fallas de Valencia ? Pas sûr… Car de coupure, il n’y eut pas vraiment. C’était comme être happé par une animation plus prenante encore que la précédente. D’ailleurs, si leurs différences sont flagrantes, elles ne sont pas pour autant opposées. En effet, c’est comme passer d’un objet de fascination à un autre dans la même ville, à la même saison et pendant le même festival tout en y ressentant toujours le même élan populaire et le même caractère festif. Et si la journée internationale des droits des femmes à Valencia devenait indissociable des Fallas ? En tout cas, il ne manque plus qu’un ninot résumant les desideratas du moment pour faire de celui-ci une réalité.