En gros, je procède exactement comme je procédais dans mon laboratoire noir et blanc.
A quelques détails près.
La différence la plus importante tient au fait que le boitier, si vous l’ avez réglé sur automatique pour la colorimétrie, va décider d’ une température de couleur et d’ une teinte variable pour chaque photos, en fonction de la lumière au moment de la prise de vues. Mais, lorsque vous travaillez avec des films, ils étaient équilibrés pour une température de couleur bien précise et, si vous vous en écartiez, vous introduisiez une dominante sur la photo. Ce phénomène était surtout visible sur les films Dias parce que vous aviez des originaux. Pour les films négatifs couleur, si cette dominante n’ était pas trop importante, le laboratoire qui se chargeait du tirage pouvait la corriger. Et, c’ est ce que fait votre boitier, à l’ insu de votre plein gré..
J’ ai donc décidé d’ imposer, sauf exception, la température de couleur de 5600°K, comme c’ était le cas pour les films. L’ exception est la photographie en lumière artificielle.
En photographie noir et blanc, j’ aimais les noirs profonds et détaillés. Avec des hautes lumières bien visibles. Ma façon de développer mes films privilégiait les effets de bord qui améliore la perception de la définition, et ma façon de tirer était plutôt contrastée pour obtenir de beaux noirs, quitte à devoir beaucoup masquer.
En photographie couleur, j’ avais l’ habitude de travailler avec des Dias, essentiellement les Fuji Provia et Astia. Ces films avaient comme caractéristiques des couleurs qui allaient de saturées à très saturées, une teinte plutôt neutre pour le film Astia, une teinte chaude avec des noirs un peu magenta pour la Provia, qui éventait franchement orange rouge pour les couchers de soleil.
Ma façon de développer un fichier raw tend à reproduire ces expériences: j’ ai une série de settings qui vont donner un aspect “présentable” à la photo, c’ est à dire qu’ elle paraîtra équilibrée, avec des noirs et des hautes lumières, tout en lui donnant soit une première tendance colorimétrique pour les photos couleurs, soit le contraste que je juge idéal pour le noir et blanc.
Une fois un de ces settings appliqué, le seul curseur auquel je touche encore est celui de l’ exposition pour donner à la photo la densité voulue. Plus exactement, je visualise une zone qui correspondra au fameux gris moyen des photographes et je l’ amène à la densité voulue avec ce curseur.
A partir de là, il me reste à travailler sur trois zones: les ombres, les hautes lumières, formées bien souvent du ciel, et les gris moyens.
Pour ces trois parties, j’ utilise soit le dégradé, idéal pour des ciels, soit le pinceau.
Pour les extrêmes de la gamme de gris, j’ ai deux réglages “densité hautes lumières” et “densité basse lumière” sur lesquels j’ utilise le masque de gamme pour ne les appliquer que sur ces zones.
En ce qui concerne la zone de “gris moyen”, le problème est différent: il a généralement de jolies valeurs mais manque parfois de définition, ou, plus exactement, de “matière”, ce qui le rend fade. Je lui applique donc un setting dédié: un peu d’ exposition, beaucoup de noir, un peu de texture et un peu de clarté.
Vous avez donc ma recette pour développer une photo: ce n’ est pas bien compliqué, mais le temps passé à tester les différentes idées qui m’ ont finalement conduit à ce résultat est, lui, important.
Prenons un exemple: jusqu’ à l’ introduction par Adobe des LUTs dans Lightroom, il m’ était très difficile de concevoir un réglage qui n’ introduisait du magenta que dans les ombres. Il y a bien la courbe, en jouant sur les verts, mais, vu sa taille, effectuer un réglage précis était quasi impossible. Il y a également l’ étalonnage qui permet d’ ajouter du magenta dans les ombres, mais je ne l’ ai jamais trouvé très convainquant.