Le chemin jusqu’à l’extrémité
La promenade commence là où la ville s’efface doucement, au-delà du Passeo del Puerto Viejo.
Les dernières terrasses s’espacent, le bruit se dilue, la mer se rapproche.
La lumière devient plus nette, plus crue, presque blanche.
En marchant vers l’extrémité du port, on quitte progressivement Alicante sans jamais la perdre de vue.
Les bateaux s’alignent dans un silence suspendu, leurs mâts vibrent au vent.
Le béton clair du quai absorbe la chaleur, la mer scintille à hauteur des yeux.
Tout paraît plus simple, plus pur : la ligne droite du chemin, l’horizon dégagé, le souffle constant du vent.
C’est un passage — une lente sortie du monde urbain vers un autre espace, fait d’air et de lumière.
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Le Passeig Volado
Au bout du quai, la structure métallique du Passeig Volado surgit, comme une passerelle tendue au-dessus de la mer.
Son architecture fine, presque aérienne, capte la lumière et la renvoie sur l’eau.
Les pas résonnent sur le métal, réguliers, rythmés par le vent.
Sous la passerelle, la digue qui ferme la marina disparaît peu à peu, avalée par la perspective.
L’impression de surplomber la mer devient totale — marcher ici, c’est flotter.
Le vide à droite, la mer à gauche, et tout autour, la lumière.
Chaque pas semble effacer le sol derrière soi.
Le regard se perd vers le large, sans obstacle, sans cadre.
Le vent apporte l’odeur du sel, parfois celle du métal chaud.
C’est un espace presque abstrait : un lieu de passage où la matière devient lumière, où la photographie doit choisir entre montrer et laisser deviner.
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Le regard vers la ville et la montagne
Depuis cette avancée suspendue, la ville paraît minuscule, rassemblée au fond de la baie.
La marina se déploie sous un autre angle : lignes, reflets, géométries superposées.
Plus loin, le château de Santa Bárbara réapparaît, minuscule tache ocre sur sa montagne claire.
Il semble flotter lui aussi, comme un souvenir accroché à l’horizon.
Alicante, vue d’ici, se simplifie : une étendue blanche posée sur la mer.
Le vent accentue ce sentiment de distance — on entend encore le cliquetis des haubans, mais plus rien du bruit de la ville.
La lumière, partout, absorbe les contours : la pierre, l’eau, le ciel, tout se fond dans la même clarté.
Le photographe s’arrête, cherche un cadrage, hésite entre la couleur et le noir et blanc.
Les deux conviennent : la première pour la chaleur, la seconde pour le silence.
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Une sensation de bout du monde
Là, au bout du Passeig Volado, tout paraît suspendu.
La mer s’étend sans limite, la côte se perd, la ville recule.
C’est une frontière : ni vraiment port, ni tout à fait mer.
Le vide attire le regard, le vent pousse doucement vers l’horizon.
La lumière est à son zénith, sans ombre, sans profondeur.
Les photos se succèdent, semblables et différentes : lignes, reflets, éclats.
C’est un moment hors du temps — un espace de calme absolu où le réel semble s’être arrêté.
“Une sensation de bout du monde” : non pas celle de la distance, mais celle du détachement.
Être là, c’est voir sans participer, marcher sans but, sentir la mer sans s’y mêler.
La photographie, ici, devient un geste d’équilibre entre présence et effacement.
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Le retour vers la ville
Le chemin du retour suit le même axe, mais tout a changé.
En reprenant le Passeo del Puerto Viejo, la ville réapparaît peu à peu.
Les sons reviennent : le clapotis des vagues, un moteur au loin, des voix sur une terrasse.
Au bout du parcours, une construction étrange, comme une ancienne porte, marque la fin du quai.
Elle semble garder l’entrée du port, seuil symbolique entre le silence de la mer et la vie de la ville.
En marchant vers la marina, la présence du château devient plus forte : sa silhouette domine à nouveau l’horizon.
La lumière, toujours dure, glisse sur ses murs, trace sur la montagne un dernier éclat.
Tout se referme dans une cohérence parfaite : la mer, la pierre, la ville et la lumière, reliées par un simple passage.
Le photographe s’arrête un instant — pas pour conclure, mais pour respirer.
Ce lieu, à la fois proche et lointain, devient une image intérieure : un fragment de lumière entre deux mondes.














